À l’occasion des journée portes ouvertes de mon atelier en Juin 2016, le magazine Times Out parle de mon travail.
Voici le texte:
On a visité l’atelier de… Jérémie Baldocchi
Il émerge au milieu de la cour du 52 rue Ordener comme un îlot de verre et d’acier noir au milieu des plantes en pot. Une île aux trésors dont les joyaux ont l’aspect de tableaux, accrochés sur les murs entre le canapé et la cuisinière, le lit et l’écran plat. Car l’atelier de Jérémie Baldocchi est aussi son appartement, et ce depuis quatre ans. Dans le quotidien de l’artiste, le monde de la réalité et de la création se conjuguent donc, exactement comme dans ses œuvres. Les animaux kawaï affublés de gros yeux attendrissants, parfois « emballés » dixit Jérémie (comprendre « habillés ») partagent ainsi l’espace avec des prostituées accoudées au comptoir, femmes de joie sans gaieté et sans sourire. Et pour cause : les personnages humains que peint Jérémie Baldocchi n’ont pas de tête !
Alors quoi : nous sommes tombés dans l’atelier d’un adepte de la décapitation, nostalgique de Robespierre ? Et nous n’allons pas tarder à découvrir, dans son frigo, une caboche détachée de son corps, façon ‘Seven’ ? Eh bien non. Bien qu’une statuette du Chapelier Fou d’’Alice au Pays des Merveilles’ trône en bonne place sur son meuble télé, Jérémie Baldocchi n’est pas dérangé. La particularité acéphale de ses œuvres est en fait née d’un amusant hasard que l’artiste nous détaille afin d’effacer tout soupçon de psychopathie. « Je prenais des cours de dessin le soir, en parallèle de mon cursus de graphiste à l’Institut professionnel des métiers de la décoration. Un jour, le professeur nous a demandé un travail sur le thème de l’accident. J’ai choisi de représenter une femme enceinte et son mari mais je ne savais pas quel visage donner à ce couple. J’ai alors montré mon illustration, pas finie, à l’enseignant qui m’a félicité. » Pour lui, l’œuvre est terminée, il n’y a rien de plus à ajouter. Le faciès n’étant plus nécessaire pour faire ressentir des émotions, son absence sera donc, désormais, la signature artistique de Jérémie Baldocchi. De même que la déformation des chairs, rappelant un peu le style de Francis Bacon.
Baigné dans le monde des arts depuis sa plus tendre enfance – grâce à un oncle styliste, un grand-père ferronnier d’art et une grand-mère « peintre du dimanche » –, Jérémie Baldocchi possède d’ailleurs un lourd bagage d’influences. Le royaume faussement candide de Ray Caesar ou Tim Burton, les physiques décharnés de Voutch, les collages aux couleurs tranchées de George Braque… Ses inspirations sont multiples. Tout comme ses techniques puisque celui qui a quitté l’école à l’âge de 16 ans a ensuite tout expérimenté, du fusain à l’aquarelle et de la sculpture en papier mâché à la photographie. Un médium qu’il n’a jamais délaissé, donnant à ses tableaux des allures de clichés. « Photographier, c’est prendre le temps de regarder, de capter le réel différemment. Il suffit d’un jeu de lumière, d’un geste précis pour saisir l’instantané et révéler la magie ou la drôlerie d’une image », explique-t-il. Comme un quotidien rêvé, un univers parallèle figuratif servant de sous-couche à ses œuvres pleines de poésie.
Après nous avoir fait faire le tour de sa galerie improvisée, où l’on peut rencontrer des féeries de « Saintes » évanescentes, des « Rêves d’amour » merveilleux et des super-héros obèses, l’artiste nous mène ensuite dans un espace exigu, ouvert mais pris en étau entre le salon et la chambre à coucher. Un endroit à peine plus grand qu’un cagibi. C’est pourtant là que le magnifique prend forme et vie sous les doigts experts de Jérémie.
Tout d’abord un bureau, pris d’assaut par une armée de pinceaux en conserve, des tubes d’acrylique et de solvants. A côté, une pile de croquis (dont certains sont également scotchés sur les murs) attend de passer le « casting ». Lorsque l’artiste a une idée, il fouille en effet dans ses esquisses afin de trouver la silhouette qui correspondra le mieux à son sujet. Des canevas ébauchés au stylo Bic et corrigés ça et là au Tipex. « Cela permet d’effacer le tracé initial sans le faire disparaître totalement », justifie Jérémie. Un fourbi ordonné sur lequel veillent deux étagères débordant d’objets hétéroclites. On y trouve la fraîcheur des dessins animés incarnée par une peluche de Kermit la Grenouille, une baguette magique rose à strass ainsi qu’un Maneki-neko et une imposante matriochka. Contrastant avec l’ambiance plus pieuse d’un portrait christique ou d’une effigie de saint Michel en train d’occire le Dragon : un mélange des genres que Jérémie Baldocchi reproduit dans ses toiles. Posées sur des tréteaux ou à même le sol, elles associent des motifs chamarrés découpés dans des magazines, de la peinture aux nuances vives et une pluie de paillettes étincelante. En somme, des diamants à mille et une facettes qu’on ne se lasse pas d’admirer…
Alors si vous aussi vous désirez plonger dans le monde composite et délicieusement biscornu de Jérémie Baldocchi, sachez qu’il ouvre son antre de création tous les ans, au début du mois de juin. D’ici là, pour patienter, notez que l’artiste investira la Galerie Thuillier en juillet avec une oeuvre autour du thème « inspiré de Picasso ».
« A l’avenir, je pense aussi continuer la série d’objets sous cloche », nous signale notre hôte prolifique en montrant le tableau d’une Tour Eiffel enfermée dans une boule à neige, hommage aux victimes du 13 novembre. Bref, Jérémie Baldocchi a beau peindre des gens sans tête, cela ne l’empêche pas d’avoir des projets plein la sienne.
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